07/06/2010

A Son Excellence Monsieur le Président Joseph Kabila Kabange - Commission d'enquete sur la mort de Floribert Chebeya Bahizire


Son Excellence Monsieur le Président Joseph Kabila Kabange
à Kinshasa, Gombe
République démocratique du Congo

Copie pour information à :
Son Excellence M. Adolphe Muzito, Premier Ministre
Son Excellence M. Luzolo Bambi Lessa, Ministre de la Justice et des Droits humains

le 5 juin 2010

Votre Excellence,

Nous sommes profondément choqués et attristés par le meurtre de notre ami et collègue, Floribert Chebeya Bahizire, l’un des militants des droits humains les plus éminents et courageux de la République démocratique du Congo. La condamnation au niveau national et international de cet acte révoltant nous a réconfortés, mais nous estimons qu’il est crucial d’établir immédiatement une commission d’enquête crédible, impartiale et indépendante pour enquêter sur la mort de Floribert Chebeya Bahizire et la disparition de son chauffeur, Fidèle Bazana Edadi. Nous faisons appel à vous pour que vous apportiez les réponses appropriées sur ce sujet crucial.
Les multiples annonces faites à propos de l’ouverture d’enquêtes par divers services de sécurité, la police et le parquet au cours des dernières 72 heures ne satisfont pas les exigences de crédibilité et d’impartialité nécessaires. Aux vues des graves irrégularités qui ont caractérisé les précédentes enquêtes sur la mort de journalistes et défenseurs de droits humains au Congo, nous ne croyons pas que ces tentatives permettront la découverte de la vérité sur ce qui s’est passé ni qu’elles apporteront la justice pour ce crime révoltant.
Réagir à la mort de Floribert Chebeya Bahizire par des actions concrètes qui garantissent la justice est important non seulement pour mettre un terme à l’impunité des agressions contre les défenseurs des droits humains, mais aussi pour contribuer à protéger d’autres défenseurs des droits humains et journalistes congolais qui font l’objet d’actes d’intimidation, de menaces et de harcèlement.
Nous pensons qu’une commission d’enquête indépendante devrait être constituée immédiatement selon les critères suivants :
1. Cette commission devrait être créée par un décret ministériel sous l’autorité du ministre de la Justice et des Droits humains, et approuvée par le Conseil des Ministres.
2. Elle devrait être présidée par une personne indépendante, d’une haute autorité morale, et ayant une expérience solide du droit congolais.
3. Les membres de la commission devraient êtres choisis sur la base de leur compétence, de leur indépendance avérée et de leur impartialité reconnue, sans liens avec le gouvernement, les partis politiques ni toute autre personne et organisation susceptibles d’être impliquées dans l’affaire faisant l’objet de l’enquête.
4. Les membres de la commission devront faire preuve d’une expertise soit en droit, en médecine, en enquêtes criminelles, ainsi qu’en médecine légale, et être capables d’examiner et évaluer les preuves et d’exercer un bon jugement.
5. Nous proposons que la commission inclue les membres suivants :
(a) un professeur de droit pénal ou de criminologie
(b) un magistrat du Parquet civil
(c) des magistrats militaires.
Afin de garantir la crédibilité de la commission, nous vous exhortons d’accepter les propositions faites par le Secrétaire Général des Nations Unies Ban Ki-moon, ainsi que par d’autres gouvernements et la société civile congolaise, d’apporter leur assistance aux enquêtes. Nous vous proposons donc d’inviter les personnes suivantes à participer au travail de la Commission :
(d) des représentants congolais de la communauté indépendante de défense des droits humains
(e) un expert indépendant en procédure d’enquête ou en droits humains issu du système des Nations Unies
(f) un expert indépendant en médecine légale
(g) un expert indépendant de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples.
6. Le mandat de la commission devrait comporter les dispositions suivantes :
Jouir de l’autorité nécessaire pour recueillir toutes les informations qu’elle jugera pertinentes pour l’enquête, pour décrire le contexte et les circonstances de la mort de Floribert Chebeya Bahizire et retracer l’historique des faits.
Être habilitée à imposer la participation et la coopération de témoins, y compris les représentants de l’autorité publique, et d’exiger la production des documents officiels et médicaux.
Recourir aux services de juristes-conseils impartiaux, aux conseils indépendants et aux services d’experts selon les besoins de ses travaux.
Clarifier les faits et recommander les responsabilités pénales individuelles et, le cas échéant, celles de l’Etat.
Recommander au Ministre de la Justice et des Droits humains les individus pour le meurtre de Floribert Chebeya Bahizire et la disparition de son chauffeur.
Identifier les mesures à prendre pour éviter que de tels faits ne se reproduisent. 7. La commission devrait régulièrement rendre compte des progrès de ses travaux et publier ses conclusions dans un bref délai qui ne devrait pas dépasser 6 mois.

8. Elle doit prendre en compte et garantir la protection des témoins, y compris la protection de la famille du défunt et de celle du chauffeur, avec l’assistance de la MONUC / MONUSCO si nécessaire.
Cette commission doit recevoir des ressources financières et logistiques suffisantes pour mener à bien ses travaux. Si la responsabilité des moyens budgétaires incombe au gouvernement, nous espérons aussi que des bailleurs de fonds internationaux pourront contribuer à cet effort par des moyens financiers et techniques.
Nous recommandons également que le gouvernement congolais ainsi que la MONUC / MONUSCO prennent la responsabilité conjointe de garantir la protection des membres de la commission pendant la durée de la conduite de leur travail.
Dans l’immédiat, nous recommandons qu’une autopsie soit pratiquée de toute urgence par un expert indépendant sur le corps de Floribert Chebeya Bahizire, comme l’a demandé sa famille, et que vous acceptiez l’offre de la communauté internationale d’apporter assistance pour cette procédure.
Les enquêtes bâclées menées par le passé sur la mort de défenseurs des droits humains et de journalistes au Congo ne doivent pas se reproduire. Les enquêtes portant sur le meurtre de Pascal Kabungulu, défenseur des droits humains de Bukavu qui a été abattu en juillet 2005, le meurtre de deux journalistes de Radio Okapi - Serge Maheshe en juin 2007 et Didace Namujimbo en novembre 2008 - ainsi que du journaliste Franck Ngyke et de sa femme Hélène Mpaka tués à Kinshasa en novembre 2005, ont toutes été entachées de graves irrégularités et n à ’ont pas mené à la justice.
Il est important de mettre en place une commission d’enquête crédible afin d’éviter les erreurs du passé et de démontrer clairement, une fois pour toutes, que les personnes qui s’en prennent aux défenseurs des droits humains au Congo devront rendre compte de leurs actes.
Veuillez agréer, Votre Excellence, l’expression de notre haute considération.
ONG signataires :
1. Amnesty International
2. Human Rights Watch
3. Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme (FIDH / OMCT)
4. Article 19
5. Voix des Sans Voix
6. Association africaine de défense des droits de l’homme, ASADHO
7. Association des Victimes de Guerres de l’Ituri, AVIGITURI
8. Association Chrétienne pour l’Assistance des Prisonniers, ACAP
9. Action pour les Droits Humains, ADH
10. Action Contre l’Impunité pour les Droits de l’Homme, ACIDH
11. Action des Chrétiens Activistes des Droits de l’Homme de Shabunda, ACADHOSHA
12. Action Sociale pour la Paix et le Développement, ASPD
13. Africa Fondation, AF
14. Association des Armateurs sur le Lac-Kivu, ASSALAC
15. Association pour la Promotion et la Défense de la Dignité des Victimes, DRC
16. Centre de Recherche sur l’Environnement, la Démocratie et les Droits de l’Homme, CREDDHO
17. Centre des Etudes sur la Justice et sur la Résolution 1325, CRJ/1325
18. Centre des Droits de Homme et du Droit Humanitaire, CDH
19. Centre pour la Promotion des Droits de l’Homme et de la Démocratie, CPDH
20. Centre OLAME
21. Cité des Droits de l’Homme et la Paix, CIDHOP
22. Club des Amis du Droit du Congo, CADC
23. Coalition Nationale pour la Cour Pénale Internationale en RDC, CN-CPI/RDC
24. Comité de Suivi pour la Contribution des Communautés et Eglises pour la Transformation humaine, COSCET
25. Fédération des Jeunes pour la Paix Mondiale, FJPM
26. Fédération des Droits de l’Homme, FDH
27. Fondation Congolaise pour la Promotion des Droits Humains et la Paix, FOCDP
28. Héritiers de la Justice, HJ
29. Initiative Congolaise pour la Justice et la Paix, ICJP
30. Institut René Cassin, IRC
31. Groupe Lotus, GL
32. Groupe Justice et Libération, GJL
33. Groupe Equitas, GE
34. Groupe d’Action Non Violente Evangélique, GANVE
35. Justice Plus, JP
36. Ligue pour la Paix et les Droits de l’Homme, LIPADHO
37. Mouvement pour la Démocratie et la Réconciliation, MDR
38. Organisation pour la sédentarisation des peuples Pygmées, OSAPY
39. Promotion de la Démocratie et Protection des Droits Humains (PDH)
40. Association des Jeunes Engagés pour le Développement et la Santé (AJDS)
41. GHOLVI
42. CAFED/Nord Kivu
43. Collectif des Organisations des Jeunes Solidaires du Congo (COJESKI)/Nord Kivu
44. Centre d’Initiatives pour le Développement Intégral (CIDI)/Nord Kivu
45. Réseau Provincial des ONG des Droits Humains au Congo (REPRODHOC)/Nord Kivu
46. Campagne Pour la Paix
47. Forum des Organisations Humanitaires et de Développement (FONAHD)
48. Centre pour la Paix et les Droits de l’Homme - Peace and Human Rights Center (CPDH-PHRC)
49. Bons Samaritains des Grands Lacs pour le Développement et Défense des Droits Humains
50. Conseil Régional des Organisations Non-Gouvernementales de Développement (CRONGD)/Nord Kivu
51. Action Globale pour la Promotion Sociale et la Paix (AGPSP)
52. Union d’Actions pour les Initiatives de Développement (UAID)
53. Synergies des Femmes pour les Victimes des Violences Sexuelles (SFVS)
54. Fédération des Organisations de Défense des Droits de l’Homme (FODDHO)
55. Villages Cobayes (VICO)

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